12 juin 2023
L’incompétence du Juge peut-elle entraîner la disqualification de la médiation ?
Nous verrons que deux cas de figure se présentent n’entraînant pas les mêmes conséquences.
Les textes
Dalloz : https://www.dalloz-actualite.fr/flash/decret-d-application-de-loi-pour-confiance-dans-l-institution-judiciaire-repercussions-sur-pro :
Dans l’article du Dalloz, il est mentionné ceci :
Le nouvel article 127-1 du code de procédure civile (Décr. n° 2022-245, art. 1, 1°) consacre l’hypothèse d’une absence d’accord des parties qui permet au juge de leur enjoindre de rencontrer un médiateur :
À défaut d’avoir recueilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire…
Ce texte vient donner un cadre procédural à une pratique judiciaire déjà en cours, en première instance comme en appel, et consistant à inviter les parties à une réunion sur la médiation. Même s’il s’agit ici d’une injonction, c’est-à-dire un ordre du juge, aucune sanction n’est cependant prévue à l’encontre de la partie qui s’y déroberait. Il ne peut en être autrement puisque la médiation ne peut être imposée.
Le juge peut donc faire une injonction, enjoindre les parties à suivre une séance d’information à la médiation.
En effet, il faut différencier :
– l’article 131-1 du Code de Procédure civile, modifié par décret n° 2022-245, qui nécessite que le juge saisi du litige, recueille l’accord des parties pour ordonner directement une médiation sans la faire précéder d’une séance d’information à la médiation. Dans ce cas-là, le juge étant celui du fond du litige, s’il était incompétent, devrait-il l’être aussi pour la médiation qui, en tant que processus amiable, est une parenthèse dans la procédure judiciaire. Elle n’en fait pas partie. Elle s’y juxtapose, s’y insère, mais son statut particulier la maintient hors du champ judiciaire .
C’est ce pourquoi l’on ne peut parler de « médiation judiciaire » mais de médiation « en matière judiciaire ».
– l’article 127-1 du Code de Procédure civile stipule : Création Décret n°2022-245 du 25 février 2022 – art. 1 : A défaut d’avoir recueilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation. Cette décision est une mesure d’administration judiciaire. Cet article est rédigé pour tenter de dépasser l’hypothèse d’un refus d’une ou de plusieurs des parties, voire de toutes.
Il est rappelé que ces articles font référence au « juge saisi du litige ».
Dans l’article 127-1, il n’est question que de la séance d’information à la médiation.
A ce stade, il ne devrait donc pas y avoir d’impact de l’incompétence éventuelle du juge sur l’injonction qu’il peut faire d’avoir à rencontrer un médiateur pour permettre aux participants de recueillir des informations sur la médiation.
Nous sommes ici hors champ judiciaire et pas encore en médiation. En effet, on ne peut considérer ici uniquement l’acte du juge qui ordonne la séance d’information, on doit aussi considérer le médiateur qui n’est pas un délégué du juge, qui n’a aucun pouvoir et aucune responsabilité autre que celle d’informer les parties de ce qu’est la médiation.
La Jurisprudence
Il n’y a guère de jurisprudence ( 2004, 2005), ce d’autant que les textes ont été modifiés maintes fois, la dernière modification datant de 2022. Cette jurisprudence consacrait l’interdiction faite au juge dont on soulevait l’incompétence, d’ordonner une médiation du fait qu’il agissait et avait une possible action sur le processus de médiation, en l’interrompant par exemple.
Plusieurs obstacles à cela aujourd’hui, me semble-t-il :
- Le premier vient de ce que l’article 131-1 du CPC, dans sa rédaction de 2022, et ses rédactions antérieures ne s’applique qu’au juge saisi du litige et pas au juge saisi de l’urgence qu’est le juge des référés ;
- le deuxième vient de ce que, s’appliquant en l’état des textes anciens, ladite jurisprudence ne considérait le juge que comme ordonnateur d’une médiation après avoir recueilli l’accord des parties. Or, la réunion d’information qui la précède, dans le cadre de l’article 127-1 et de la médiation 2 en 1, n’existait alors pas ;
- le troisième nécessite que la supposée incompétence ait été d’abord vidée pour que la médiation puisse être ensuite ordonnée par le juge compétent. Ceci met en échec un des principaux avantages de la médiation, sa rapidité ;
- le quatrième vient de ce que, incompétence ou pas, n’ordonnant pas une médiation pour laquelle il aurait recueilli l’accord des parties, le juge peut faire injonction de rencontrer un médiateur ; ceci n’interfère pas dans le cours du procès puisque ce juge n’a pas à ce stade la possibilité d’agir sur la médiation, les parties pouvant décliner l’invitation à aller en médiation pendant ou ensuite de la séance d’information ;
- le cinquième vient de ce que, dans le cadre de l’article 127-1 du CPC, le Juge ne recueille pas l’accord des parties puisqu’elles le donneront (ou pas) au médiateur lors de la séance d’information puis celui-ci entamera la médiation proprement dite et ne fera qu’en prévenir le juge ;
- le sixième est la suite du précédent : Le juge n’aura pas davantage la main sur la médiation si celle-ci était acceptée car, là encore, les parties ont seules la décision sur le devenir de cette médiation et peuvent en faire ce qu’elles veulent :
– la mener à son terme ou pas ;
– la faire de façon conventionnelle en quittant le champ judiciaire ;
– faire ou pas un protocole ;
– homologuer ou pas ce protocole, etc… - le septième, et non des moindres, vient de ce qu’au stade de la réunion d’information, le juge ne peut pas interférer dans la médiation puisque celle-ci n’a pas commencé.
- Comme on peut le constater, la médiation est un domaine unique qui reste totalement indépendant et cependant peut se mêler à d’autres :
- la médiation est par principe volontariste. Les participants décident s’ils veulent aller ou pas en médiation et, de ce fait, commencer ou pas le processus de médiation en lui-même.
- la séance d’information ne se fait pas sous le contrôle du juge ;
- la médiation est le domaine réservé des participants, de leur volonté, permettant leur autodétermination et seul le médiateur peut être le gardien du processus ;
- les participants peuvent quitter la médiation à tout moment et personne n’a à commenter cette décision ou à demander des explications aux participants qui quittent la médiation ;
- les participants peuvent arrêter la médiation en matière judiciaire pour lui préférer, à tout moment aussi, le champ conventionnel ;
- le médiateur peut décider d’arrêter la médiation dès qu’il estime que la médiation ne peut être poursuivie valablement ;
- le médiateur est indépendant du juge et la médiation est un processus soumis à la confidentialité et n’est pas soumise au contradictoire ;
- La médiation se mêle avec la négociation, le procès, l’arbitrage, la conciliation, la transaction (l’acte de transiger). C’est ce que j’ai appelé la Mednegoconciltransarb, la médiation s’introduisant à tout moment et à tout niveau. La médiation est le seul processus à pouvoir le faire en ayant un autre avantage qui est de n’être soumise qu’à la règle d’Ordre public :
- (Nota bene : ce schéma d’imbrication des cercles n’est pas dressé à partir de calculs mathématiques. La surface des cercles et leur imbrication sont choisies pour montrer la façon dont ils interfèrent les uns avec les autres, selon moi).
- Pourquoi l’incompétence du juge pourrait-elle empêcher celui-ci d’enjoindre les participants à se rendre à une réunion d’information à la médiation, la suite étant de la seule volonté des participants ? Cela me semble contre-productif et irait à l’encontre de ce qu’offre la médiation.
- Nous sommes à la veille de nouveaux changements très importants avec la mise une place du Conseil National de la Médiation (CNM) ce lundi matin. Avec la médiation permettons nous d’ouvrir tous les champs des possibles et d’obtenir des résultats satisfaisants pour tous en espérant que la médiation soit accessible au plus grand nombre.
- Merci de votre attention et de votre écoute. Vos réflexions sont toujours les bienvenues.