L’excellent travail effectué de façon très pointilleuse dans la revue DALLOZ Famille du 21 mai 2019 sur « une nouvelle réforme de la médiation ? » par notre Consœur Pierrette AUFIERE et notre collègue Françoise HOUSTY, m’incite à y adjoindre quelques réflexions et propositions pour compléter le tableau édifiant qu’elles font de cette réforme qui selon moi est tout simplement un encadrement de la médiation destiné à mieux la contrôler (forum-famille.dalloz.fr/2019/05/21nouvelle-reforme-de-la-mediation/).
Leur travail, article par article, permet de se rendre compte de plusieurs aspects très intéressants que révèle ce projet de loi.
Je ferai une remarque préliminaire : le texte de ce projet de loi est imprécis, le vocabulaire non maîtrisé, mal utilisé. Les « rédacteurs » ne sont pas juristes, encore moins médiateurs car contenant trop d’approximations. Pourtant nous avons d’éminents spécialistes de la médiation. Pourquoi toujours confier la rédaction de textes concernant la médiation à d’autres que ceux qui la connaissent ? Sans doute pour de multiples raisons…
– Le besoin viscéral de l’État de tout contrôler, même l’incontrôlable qu’est par essence la médiation ?
+ La médiation n’est pas un process « comme les autres » : la définition proposée sème trop le doute sur ce qu’elle est ; les amalgames avec d’autres modes amiables sont pour le moins infructueux, voire néfastes.
+ la médiation est libre. On y entre et on en sort quand et comme on veut (dans le respect et la politesse les plus élémentaires…).
+ indépendante de tout pouvoir, la médiation n’est soumise au dépôt d’aucun rapport, devant un Juge ou autre ; ni au principe du contradictoire (comme je l’ai lu quelques fois…). Les conventions de médiation et les protocoles d’accords ne reflètent pas ce qui s’est dit en médiation. Seuls l’indication du ou des problème(s) rencontré(s) par les participants (qui ne sont pas que des « parties »), le nom des médiateurs, les honoraires des médiateurs, les accords librement décidés entre eux, ainsi qu’un rappel des principes et des règles de la médiation, y sont mentionnés.
+ la médiation doit respecter l’Ordre public et rien que l’ordre public. La loi ne s’impose pas en médiation.
+ le médiateur n’a aucun pouvoir ; il n’est que le gardien du processus : lequel processus est souple ; il n’est qu’un garde-fou, une rampe d’escalier à laquelle le médiateur est libre de se tenir ou pas.
+ là encore seule une bonne formation peut faire un bon médiateur (outre ses qualités humaines personnelles) : trop peu de mots à ce sujet. Or, si la médiation nécessite des connaissances en droit (notamment quant à l’ordre public), elle demande surtout à ce que le médiateur soit un humaniste, empathique, aimant suffisamment les êtres pour avoir envie de les aider ; à ce titre, il lui faut aussi une solide formation sur les plans communicationnel, conflictuel, éthique, sociologique, psychologique, voire éthologique… La médiation nécessite un ensemble de connaissances et de qualités qui ne se limitent pas au seul droit, de même, pas aux seuls juristes qui n’ont pas les connaissances minimales en ces matières indispensables et qu’ils ne peuvent acquérir que par une formation appropriée et spécifique à la médiation.
On n’est pas médiateur sans cette formation et encore faut-il choisir les bonnes formations. D’ailleurs comment le Conseil d’Etat va-t-il choisir ces formations et ces formateurs ? Sur quels critères ? Va-t-on enfin consulter les spécialistes de la médiation ?
+ La neutralité veut dire que le médiateur n’a aucun intérêt personnel dans la médiation dans laquelle il intervient et, SURTOUT, qu’il ne s’implique PAS AFFECTIVEMENT PERSONNELLEMENT dans le problème des participants, qu’il est capable de ne pas insuffler son histoire personnelle dans celles, bien différentes, des personnes dans la vie desquelles il ne fait que passer.
+ L’équilibre dans les échanges en médiation est un des éléments enseignés dans une bonne formation à la médiation. C’est pour cela que la formation à la médiation est faite de 30 % de cours et de 70 % d’exercices et jeux de rôle car c’est un acte qui s’apprend grâce à la pratique beaucoup plus que dans les livres. Mais cela aussi nos gentils rédacteurs ne devaient pas le savoir…
Ces personnes qui, sans doute avec une grande bonne volonté, ont voulu « légiférer » sur la médiation n’auraient pas commis ces erreurs s’ils avaient été formés à la médiation.
–Le besoin d’accrocher la médiation à un système judiciaire, au risque de lui faire perdre son âme ?
+ La légalité n’est pas un des fondements de la médiation : ses origines sont ancestrales, traditionnelles et coutumières (arbres à palabres, bâtons de paroles, mediator crétois…) ;
+ Il n’y a pas non plus de droit de la médiation et il ne doit pas y en avoir !
+ de même suite, il n’y a pas de règles fondamentales et générales de la médiation ; Tout au plus un corpus d’articles qui copient maladroitement les règles existantes ayant trait à la médecine (comme le relèvent judicieusement les rédactrices de l’article dans la revue Famille-DALLOZ), voire à d’autres modes de règlement amiables ;
+ ainsi la conciliation avec laquelle « on » ne cesse de la confondre pour mieux les ensevelir l’une dans l’autre (et ce, alors qu’elles sont aussi indispensables l’une que l’autre).
PETITS RAPPELS (pour la Nème fois…) :
– si la conciliation est une délégation des pouvoirs d’un juge, la médiation ne l’est pas,
– si le conciliateur peut proposer une solution, le médiateur n’en a pas le droit,
– si la conciliation doit suivre la règle de droit ; la médiation n’y est pas contrainte (sauf la règle d’Ordre public qui s’impose à tous) ;
– si la conciliation est par essence gratuite, la médiation est le plus souvent payante sauf si les personnes ont droit à l’aide juridique et signent un protocole d’accords.
Et l’on peut continuer mais j’arrête là ma litanie.
– la peur de voir se transformer la Justice telle qu’elle existe depuis Napoléon en quelque chose d’inconnu, de différent, ce qui sous-entend la peur de la transformation inexorable de notre société telle que chacun peut la percevoir.
– Autre chose encore :
Je me suis amusée à regarder le profil de chacun des protagonistes de ce projet de loi : aucun d’eux n’est médiateur, ni ne semble être formé à la médiation…
Mes confrère et collègue, commentatrices de ce projet de loi, ont raison. Comme beaucoup d’autres, elles ont ressenti cette crainte de voir utiliser la médiation à d’autres fins que celles pour lesquelles elle a toujours existé : une aide à la relation humaine.
Le médiateur n’est pas un gourou. Il n’est pas un dieu. Il n’a aucun pouvoir. Il ne fait qu’apporter un peu de son humanité pour aider des êtres à se parler et, peut-être, à se comprendre, pour trouver par eux-mêmes la solution à leur problème. Il n’est sous les ordres de personne. Seulement aidant et gardien du processus, il n’est pas garant du résultat mais a un devoir d’information et doit respecter la déontologie du médiateur. Il doit être capable de reconnaître si un cas ou des personnes sont susceptibles ou non d’aller en médiation.
La médiation n’est pas une terre aride comme le droit. Elle reçoit chaque jour l’eau vivante de tous ces êtres qui l’ont choisi pour aider leur semblables à vivre leur difficultés autrement qu’en se frappant. N’oubliez pas : « Trop de règles, tue la règle ».
L’imprécision, le manque de clarté de ce projet de loi mal ficelé, font qu’ici c’est la médiation que l’on ferait mourir. Parce qu’elle est différente, elle ne peut être enfermée dans un texte qui la rendrait inerte, stérile, donc inefficace.
Personne n’y a intérêt. Il y a trop de nécessités à faire vivre la médiation qui est une des réponses dont a besoin notre société en pleine transformation.
N’ayez pas peur… la médiation ne fera que vous ouvrir à des pratiques bienveillantes dans le respect de votre humanité.