En ce 18 juin 2019, anniversaire de l’appel du 18 juin de Général de Gaulle et journée de la médiation, je veux lancer un appel, un appel à faire une formation à la médiation qui ressemble à l’aspect multiforme de la médiation.
Cette journée fait suite à une expérience que je viens de vivre lors de la Journée du Vivre Ensemble en Paix le 16 mai dernier, journée voulue par l’ONU qui m’a encore ouverte à d’autres horizons, d’autres cultures…
J’entends dire que « ma » formation est « une des meilleures », voire « La meilleure ». J’en suis touchée et je me vois récompensée de bien des années de travail, de recherches. Mais cette formation n’est pas que la mienne. Elle est aussi le fruit des formations que j’ai reçues de tous ceux qui m’ont apporté leur façon de voir et de vivre la médiation. Et du fond de mon cœur je les en remercie.
Un secret ? Remettre en question ma formation ainsi que moi-même en permanence. Pour cela rien de mieux que d’aller à la rencontre des autres. Mes recherches sont essentiellement tournées vers… la recherche d’autres formateurs, vers ceux qui connaissent d’autres domaines que les miens ou mieux que je les connais.
Un mérite ? Mettre ensemble toutes les personnes de bonne volonté qui m’ont fait confiance et ont accepté de former nos apprentis médiateurs et ce, d’aussi loin qu’ils puissent venir, certaines fois d’horizons bien différents des miens.
Une joie ? Savoir qu’en continuant d’apprendre, je suis vivante et en action.
« Il faut nommer les choses », nous dit-on en médiation. Alors allons-y !
Venant le plus souvent de la sphère du droit et de ses environs immédiats, nous avons tendance à voir les choses de façon monolithique, un peu trop rigide, trop guidée, trop comme « Maître d’un Domaine » (que l’on veut bien sûr « réservé »).
La médiation est autrement plus généreuse, neutre, indépendante et impartiale, elle permet de s’ouvrir à soi et aux autres. Elle est un chemin de vie, de partage, d’ouverture, vers la paix en soi et avec les autres. Elle permet de relier ce qui est épars, de donner du sens à ce qui n’en a plus. Elle est un don de soi pour soi et pour ceux que nous rencontrons et que nous aidons de notre mieux par la médiation.
Faite de ses qualités propres, impartialité, neutralité, indépendance, confidentialité, l’empathie, l’éthique…, elle est un ensemble d’outils, l’écoute active, le questionnement, la reformulation…, qui touchent à la psychologie, au droit, à la sociologie, à la « pédagogie » (« androgogie »), l’éthologie, l’ethnologie… tout ce qui touche au verbal et au non-verbal, à l’inter-culturel, au ressenti…, à l’humain.
Sa formation se doit d’en être son reflet. Emplie de moments parfois difficiles de retour sur soi, de découverte de soi, de confrontation avec soi et l’autre, elle ouvre à d’autres ressentis, d’autres leçons de vie, à des moments de découverte, de rencontre, de joie partagée.
Cette formation à la médiation, je l’ai voulue comme elle, multiple et diverse. Toutes ces personnes de grandes qualité et renommée qui concourent à cette formation en ont saisi l’essence depuis longtemps. Avec elles, j’ai trouvé et compris ce que je recherchais, ce que nous recherchons tous : aider les habitants de notre planète à mieux être, à vivre ensemble en paix.
La médiation est faite pour tous, tout le monde. Elle est une voie de résilience pour tous, pour nous permettre de nous construire et de fait, concourir à (re)construire notre univers.
Nous sommes aujourd’hui, individus, institutions, groupements de tous ordres, en recherche d’une autre voie, d’une autre façon de vivre « le vivre ensemble ».
Ceux qui sont maintenant formés à la médiation le savent. Une autre voie nous est ouverte par la médiation : non celle d’un « consensus mou », d’une communication à peu de frais, d’une justice au rabais, mais bien celle d’une nouvelle justice, d’une nouvelle vie politique (au sens grec du terme), d’une nouvelle vie tout simplement.
Les êtres humains tournés vers eux-mêmes, dans une recherche effrénée de pouvoir et d’argent, ressentent une solitude profonde, un mal-être prégnant, un manque du goût de vivre, qui les poussent dans une course éperdue vers des contacts tronqués au travers des réseaux sociaux, des jeux addictifs, des drogues, se nourrissant de produits « tout-faits », de l’extase « one-shot », d’une vie synthétique, aseptisée, incolore, inodore et sans saveur.
La médiation n’est pas qu’un outil de prévention et de règlement des conflits. Elle apporte plus que cela. Mais pour s’en rendre compte, il faut ne pas avoir peur de faire sauter les verrous, de renverser les barrières, d’aller au-delà du mur de nos certitudes, de nos apriori et de nos faux-semblants.
Il ne faut pas avoir peur de l’autre (qui aspire au bonheur comme moi), ne pas avoir peur de nos différences.
Avoir fait venir des personnes, formateurs et élèves, d’univers bien différents, m’a permis « d’agrandir le gâteau », d’aller au-delà de nos limites et de ce que je croyais acquis, de multiplier les expériences de médiations qu’avant je regardais de loin, avec suspicion, avant de les approcher, de les apprivoiser pour mieux me connaître (du moins un peu plus…). Ne pas avoir peur car c’est de cela dont il s’agit : bousculer ce que l’on sait, ce que l’on croit savoir et, finalement, ce que l’on est, pour mieux entrer en contact avec l’autre, le reconnaître dans ce qu’il est, ce qu’il ressent, ce qu’il vit.
Se frotter ainsi à d’autres méthodes, d’autres modes de règlement des conflits, d’autres formes de médiation, c’est là qu’est le secret : le richesse de toutes ces cultures, cet interculturalité, m’ont permis de mieux approcher la médiation dans son « être » véritable et m’a donné le désir de le transmettre au plus grand nombre de personnes.
La médiation ne se borne pas à être un outil de règlement des conflits et ne peut de ce fait se confondre avec un autre mode amiable.
Ouvrez-vous à ce qu’est la palabre (les palabres en fait car il y en a diverses formes), le bâton de paroles, le calumet de la paix, le « mediator » tel que vécu par les crétois… et tant d’autres et vous apprendrez d’une part, que les pays « civilisés » n’ont pas le privilège de connaître de la justice, et d’autre part, plus encore, que nous n’avons qu’un aperçu limité de ce qu’est la justice telle qu’elle est vécue sur toute la surface du globe.
La Justice se transforme au même titre que l’être humain aspire à un vivre ensemble autrement. Nos lois actuelles sont à bout de souffle. Nous avons coupé la loi et la justice du seul aspect qui compte pour elles : l’être humain, le vivant.
La justice se doit d’être au service des êtres vivants, non au service de l’économie, de la performance, d’intérêts factieux.
C’est cette forme de justice que la médiation représente. Et c’est pour cette justice respectueuse des êtres vivants que nous nous devons de former les médiateurs aujourd’hui.
Cette formation passe par une ouverture à autre chose que la norme et le droit. C’est d’ailleurs en cela que seul l’ordre public s’impose en médiation et non la loi, qu’elle soit nationale, européenne ou autre.
L’ordre public a ceci d’incontournable, il correspond aux principes premiers tels que la liberté, l’égalité, la bonne foi… Car la médiation ne peut être bornée, limitée, dans un cadre qui l’enfermerait (sans doute pour mieux la contrôler). Et on est libre d’aller en médiation comme d’en sortir.
Depuis les années 1970, elle renaît par désir de liberté, de se réapproprier ses conflits et par nécessité. Celle de remettre les êtres vivants au cœur du débat en n’ayant plus peur de nous-mêmes, de nos différences qui sont autant de convergences, de moyens de communiquer, de nous apprivoiser les uns, les autres.
La médiation est un outil universel qui a toujours existé, du moins depuis si longtemps qu’on n’en connaît pas toutes les origines. On la retrouve dans toutes les contrées. Faite de psychologie, de sociologie, de pédagogie, de respect des cultures, de ses règles, de ses coutumes et tout simplement de bon sens, elle a traversé les âges puis a été oubliée…
Je n’ai jamais senti avec autant d’acuité l’urgence de la médiation entre les êtres vivants.
Alors, formons-nous, formons nos enfants, notre avenir, à la médiation, pour relever notre monde, créer celui de demain fait d’êtres qui sauront construire une paix juste, respecter, préserver et conserver notre bien le plus précieux, le seul bien commun que nous ayons : la vie sur Terre.