Nos valeurs républicaines sont inscrites dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, dans notre Constitution, dans notre devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité ». Nous nous devons de respecter ces valeurs, voire nous les réapproprier.
La médiation est un procédé coopératif par lequel deux ou plusieurs personnes qui sont en conflit vont tenter, lors d’entretiens confidentiels, avec l’aide d’un médiateur qui est un tiers neutre, impartial et indépendant, de trouver plus pacifiquement une solution à leur problème.
Pourquoi oser accoler la médiation à notre devise ? Pour deux raisons :
– La médiation emprunte à nos valeurs républicaines
– Le processus de médiation utilise ces mêmes valeurs.
1 – La médiation emprunte à nos valeurs républicaines :
– La liberté :
La liberté peut se définir comme « l’état de celui qui n’est soumis à aucune contrainte externe »1. C’est la faculté qu’a un individu de disposer de lui-même et de ses biens, de donner son opinion. Cette liberté est toujours relative puisqu’elle s’arrête là où commence celle d’un autre. Tout citoyen a droit de faire ce qu’il veut, dans les limites que lui impose la loi, l’ordre public et les règles du groupe auquel il appartient.
Lié au volontarisme, la liberté apparaît comme un des maîtres-mots de la médiation. La médiation peut difficilement se concevoir sans une totale liberté de l’individu de pouvoir la choisir. Aller en médiation ne devrait se faire que de sa seule volonté, avec son consentement. Le médiateur aide les médieurs à vérifier, aussi libre que soit le choix du médieur, s’il a une parfaite connaissance des causes et des conséquences que son choix peut entraîner.
Se pose le problème de la volonté de notre législateur d’imposer la médiation comme préliminaire à tout procès, notamment en matière familiale, en droit du travail et si un règlement amiable du problème a été tenté avant de saisir une juridiction.
Il n’en demeure pas moins que le médieur est libre de par,
+ sa liberté de conscience car chacun a le droit de croire en ce qu’il veut dans la sphère de son foyer, sa maison, sans imposer ses croyances aux autres ;
+ sa liberté d’aller ou non en médiation ; le volontarisme est la règle en médiation (Mais cf les nouveaux textes de la Justice du 21è siècle) ;
+ sa liberté d’entrer et de sortir de la médiation comme il le souhaite, par exemple, si la rencontre avec son contradicteur s’avère trop difficile à supporter.
S’agit-il d’égalité ou d’équité ?
– Egalité VS équité :
+ il s’agit de l’égalité des droits de chacun car nous sommes sensés être égaux devant la Loi ;
– avec son corollaire, la laïcité, qui est le respect des croyances de chacun, religieuses ou pas et le respect mutuel qui va de pair avec l’égalité car si l’on écoute ce que chacun a à dire, attentivement si ce n’est avec empathie, on aura bien plus de chance d’être écouté de la même façon, avec respect.
+ il s’agit d’équité : (extrait de mon « Abécédaire de la Médiation »)
Elle est l’expression d’un droit naturel au respect des droits de chacun. Il est ici fait référence à une justice morale, à un équilibre entre les participants, qui n’est pas forcément une égalité.
L’équité est mentionnée dans nos codes, comme dans l’article 1135 du Code civil français dans lequel il est indiqué que le juge peut rendre une sentence en équité.
Si la loi doit être juste et générale viser à maintenir un certain ordre public, l’équité, « justice distributive, médiété proportionnelle », selon Aristote, ne peut être juste que pour chaque cas particulier. Elle ne peut être ni générale, ni publique.
L’équité est donc une notion souple et adaptable à chaque situation particulière. Ce sont les participants aidés du médiateur qui déterminent la solution qui leur paraît équitable, même s’il y a inégalité entre eux dans les composantes de cette solution. Ils compensent une situation inégalitaire par une solution équitable, juste, de leur point de vue. Les protagonistes du conflit trouvent, dans cet équilibre imparfait qu’ils créent, une solution qui convient à chacun d’eux, correspondant à leurs besoins et à leurs valeurs.
– Fraternité
Elle se déduit de ce qui vient d’être énoncé et (ré)apparaît du fait que chacun étant l’égal de l’autre, chacun ayant droit à la parole, ces paroles ayant la même valeur, le dialogue étant plus apaisé, s’écoutant mieux, on (ré)apprend à œuvrer ensemble, avec respect et en bonne intelligence, on devient alors des partenaires.
La fraternité est celle que ces personnes retrouvent ou créent, pouvant à nouveau s’apprécier, se parler, trouver ensemble, avec l’aide du médiateur et du processus de médiation, des solutions constructives, valables pour tous et donc pérennes.
2 – Le processus de la médiation utilise ces valeurs républicaines :
– Le médiateur va aider les protagonistes du conflit à comprendre ce qui s’est passé, comment et pourquoi cela s’est passé. Il les aide à s’entendre, à écouter réciproquement leur point de vue, leur vision du problème, leurs ressentis personnels, à rechercher toutes les solutions imaginables pour mettre fin à ce conflit dans l’intérêt de tous. Cela permet de se parler à nouveau, de mieux vivre ensemble ou de se séparer dans des conditions acceptables, en toute liberté.
– Outre le respect mutuel, la médiation développe chez tous ceux qui la pratiquent un esprit de tolérance, en suivant des règles qui sont celles de la politesse de tous les jours : on ne coupe pas la parole de la personne qui s’exprime, on écoute ce que son adversaire a à dire même si on n’est pas d’accord avec ce qu’il dit. En écoutant, on comprend mieux ce qui s’est passé et cela apaise le conflit. Les personnes en conflit peuvent trouver ensemble une solution qui convienne à chacun et sont en mesure alors de tenir les promesses auxquelles elles se sont engagées.
Dans tous les lieux où la médiation est utilisée, on s’aperçoit qu’elle favorise le développement de l’empathie, de l’altruisme. On acquiert la faculté de comprendre son « adversaire », tel qu’il est, avec ses différences, ses défauts et ses qualités. Il peut alors (re)devenir un partenaire avec lequel on échange, on avance vers plus de compréhension, de fraternité pour créer une autre voie.
La médiation aide à mieux cerner ses besoins, des intérêts, ses valeurs, à avoir confiance en soi, à devenir autonome, s’autodéterminer, à être responsable de ses paroles et de ses actes. Ce peut être un excellent révélateur pour des personnes timides, fragiles ou manquant de confiance en elles. Reprenant confiance en soi, on peut reprendre confiance dans les autres et de les regarder autrement que comme des « étrangers ».
Ce mode amiable de règlement des conflits donne d’excellents résultats dans tous les domaines, tous les lieux où il est pratiqué. Il permet de trouver une solution à laquelle personne n’aurait pensé tout seul, d’agrandir le gâteau. Il permet de favoriser, préserver, conserver, une meilleure ambiance, de meilleures relations entre les êtres, récréer du lien social.
C’est ce pourquoi elle est adoptée dans des situations, de lieux, de plus en plus nombreux et divers car elle est un apprentissage du vivre-ensemble qui sert autant aux adultes qu’aux enfants. Elle aide à intégrer nos valeurs universelles et, plus encore, à devenir des femmes et des hommes responsables, capables de vivre ensemble de façon sereine, positive et constructive.
Quelques mots d’Antoine de Saint Exupéry pour ouvrir la réflexion : « Parce que tu es différent de moi, mon Frère, loin de me léser, tu m’enrichis » (in Citadelle).
1CNTRL, op. cit.