La co-médiation permet à deux médiateurs d’œuvrer ensemble lors une mission de médiation.
Faire une co-médiation ne s’improvise pas plus que de pratiquer une médiation avec un seul médiateur. Les techniques et les outils sont les mêmes, le processus similaire, mais la façon de travailler est un peu différente.
Il peut s’agir d’un médiateur généraliste, qui sera le Candide, qui travaille aux côtés d’un médiateur spécialiste, expert de la matière du conflit, ou de deux spécialistes dans des domaines différents, ou encore deux médiateurs ayant des pratiques complémentaires de la médiation.
En matière familiale, il est parfois préférable de proposer une co-médiation avec un homme et une femme de façon à respecter la parité. On entend souvent dire qu’une femme favorise les femmes, qu’un homme favorise un homme. Faire une co-médiation peut permettre dans ce cas de parer la perception négative de l’un ou l’autre des participants.
Certaines médiations peuvent présenter des aspects financiers ou techniques complexes nécessitant la présence d’un expert en raison de la spécificité du cas et/ou du grand nombre de participants. Ces situations complexes risquent d’entraîner un défaut d’attention chez le médiateur qui peut occulter une idée importante, un sous-entendu, un « non-dit ».
➤ Quels sont les principes supplémentaires à ceux de la médiation simple ?
Les co-médiateurs sont tenus au même règle que lorsqu’ils sont seuls. Ils doivent, en outre :
– SE CONNAÎTRE suffisamment pour se faire CONFIANCE
– être COMPLEMENTAIRES et plus encore, doués de COMPLICITE
– être OUVERTS à d’autres méthodes et se RESPECTER
– Savoir COMMUNIQUER pour VALORISER leur efficacité au cours du processus.
Pour les participants à la médiation cela se traduit par des avantages sauf à y trouver quelques inconvénients.
➤ Quels sont les inconvénients de la co-médiation ?
– La médiation risque d’être plus longue, plus difficile à gérer par deux personnes qui sont différentes, qui ont un ressenti différent.
– Toutes les médiations ne se prêtent pas à la co-médiation : consommation, voisinage, médiations dites « simples »…).
– La co-médiation est plus onéreuse que la médiation avec un seul médiateur. Elle sera utilisée dans des cas où les intervenants sont nombreux, le problème très technique ou pour un cas complexe.
– Les participants pourraient ne pas accepter l’intervention d’un ou plusieurs autres médiateurs.
Le médiateur qui aura été désigné pour assurer la mission de médiation, devra recueillir auparavant l’accord de tous les participants à la médiation pour que l’intervention du co-médiateur soit admise.
– La co-médiation risque de ne plus être maîtrisable ou d’entraîner des blocages. Deux personnalités différentes peuvent effectivement se faire concurrence ou se gêner mutuellement.
➤ Quels sont les avantage de la co-médiation ?
Pour les Participants à la Médiation :
– « Le risque que la médiation soit biaisée par des apriori « corporatistes » d’une profession est minorée par le recours à deux co-médiateurs complémentaires » (Alain Pekar-Lempereur, Jacques Salzer, Aurélien Colson, Méthode de médiation, au coeur de la conciliation, éd. Dunod, 2008).
– Les médieurs peuvent espérer une vision plus affinée et plus objective, une compétence plus importante et mieux ciblée, en présence de co-médiateurs dont un spécialiste du problème.
– Si elle paraît plus onéreuse que la médiation simple, la différence sera en réalité imperceptible, puisque diluée du fait d’un nombre plus important de participants ou de l’importance de l’intérêt du conflit.
– Un climat de confiance est créé dès les phases préparatoires de la médiation.
Pour les Médiateurs :
– Avec deux paires d’yeux, deux paires d’oreilles, deux personnalités complémentaires, la médiation sera mieux aboutie, voire plus rapide, les solutions encore plus objectives et affinées.
– Les co-médiateurs se complétant et suppléant à leur fatigue ou à l’accaparement par un des médieurs, ne laisseront rien échapper de ce qui se dit ou ne se dit pas.
– Lors des pauses, ils échangeront leur ressenti, leur compréhension de l’évolution de leur mission et les méthodes à envisager au fur et à mesure du déroulement du processus.
Il est donc préférable que les co-médiateurs se connaissent, aient déjà travaillé ensemble, pour connaître leurs habitudes, leurs méthodes respectives de conduite d’une médiation. Ils devront être solidaires, voire complices, afin que le processus puisse évoluer comme dans une médiation avec un seul médiateur. S’ils ne se connaissent pas, ils devront se donner le temps de préparer ensemble leur mission.
Ainsi que le préconise la Fédération Française des Centres de Médiation (FFCM) et l’Association Nationale des Médiateurs (ANM), sauf pour les cas réputés simples, il est préférable de privilégier la co-médiation.
➤ Quand choisir la co-médiation ?
Les objectifs sont différents selon que l’on soit participant ou médiateur.
+ Pour les Participants :
– Quand il y a beaucoup de participants à la Médiation.
– Quand on a besoin d’un spécialiste du problème (on pourra alors travailler soit avec deux médiateurs dont un spécialiste de la matière, soit avec un médiateur et un expert formé à la Médiation).
– S’il y a un déséquilibre entre les participants (dominant-dominé)
– Maintenir la parité (H-F, patron-employé…)
– En présence d’enfants
– Faciliter la demande d’entretien en aparté
– Etre rassuré.
+ Pour les Médiateurs :
– Echanger sur une autre méthode de médiation, se former en tant qu’apprenti ou novice de la Médiation, pour faire un stage de médiation,
– Echanger ses impressions, ses ressentis, au cours du processus,
– Adapter le processus au plus près des participants et de leur problème (une vision à deux sera toujours plus juste et plus fine que la vision d’un seul),
– Favoriser l’utilisation d’aparté
➤ Comment travailler à deux médiateurs (ou plus) ?
Selon le principe « deux têtes valent mieux qu’une », chacun des médiateurs est là pour sécuriser, augmenter la « zone de contrôle » prônée par Thomas FIUTAK au cours du processus. Pour cela, on peut avoir des rôles complémentaires, échanger ses rôles pendant la mission de médiation. Encore une fois, la co-médiation nécessite une préparation minutieuse de la part des médiateurs.
➤Comment se préparer à la co-médiation ?
1 – Organiser la médiation (les éventuelles rencontres préalables avec les médieurs, savoir en quoi consiste le problème, choisir le modèle de médiation approprié, qui faire venir en médiation, organiser les rendez-vous et apartés…) ;
2 – Distribuer les rôles pour, de façon complémentaire et alternative, :
– Prendre des notes (tableau ou paperboard de préférence)
– Gérer le temps
– Rester vigilant quant au non-verbal
– Gérer les émotions
– Entendre le non-dit, le débusquer
– Reformuler, recadrer, faire valider
– S’assurer de la compréhension de chacun (participants et médiateurs)
– Se relayer quand l’un d’eux est fatigué
– Proposer un caucus ou aparté : chacun des participants avec les deux médiateurs ou un seul
– Si nécessaire, aviser les participants de ce qu’il peut arriver si la médiation n’aboutit pas…
3 – Echanger au cours de la médiation (faire des pauses tant pour les participants que pour échanger, faire le point)
4 – Enfin, se donner des moments de feedback entre les médiateurs pour faire le point et ajuster, faire évoluer, leur posture respective.
5 – Gérer plus efficacement certains cas à forte charge émotionnelle (en matière familiale).
Ce processus permet aussi d’augmenter la créativité de chacun (participants et médiateurs), en frottant son esprit à celui des autres.
La co-médiation aide à créer un climat de confiance plus rapidement entre les médiateurs et les participants, un climat de sérénité, qui permet une évolution plus efficace et souvent plus rapide du processus.
Une équipe de médiateurs qui communique en permanence, oralement, visuellement, favorise une communication bienveillante, un accompagnement de qualité, la création d’un futur pour les participants.
Bibliographie :
– Jean MAROIS, avocat, médiateur, arbitre IMAQ : http://imaq.org/2011/06/10/la-pratique-de-la-comediation-en-interdisciplinarite/
– Joe et Suzan EPSTEIN : ‘Co-mediation » : http://crs-adr.com/wp-content/uploads/06JuneADRf.pdf
– Danièle GANANCIA, La Médiation familiale internationale, la diplomatie du cœur dans les enlèvements d’enfants, Éditions ÉRÈS, Collection Trajets, 2007
– Hélène ABELSON GEGHARDT, La Co-médiation en matière familiale, entre réalité et opportunité, Éditions MEDIA-LOGUE, Mémoire 2013
– Arnaud STIMEC pour le SSAÉ, Service Social d’Aide aux Émigrants, La co-médiation familiale internationale en navette, méthodologie de la médiation : Application aux situations familiales internationales, Éditions Branche Française du Service Social International, Paris Mai 2002
– Bianca KEYS : Co-médiation: Positives, pitfalls, and lessons learned : http://epublications.bond.edu.au/cgi/viewcontent.cgi?article=1474&context=adr