Il y a quelques années, j’avais écrit un mémoire s’intitulant « La Médiation, la Justice et l’Avocat » demandant à mes Confrères de se former à la Médiation et aux modes amiables de règlement des conflits.
Cet article aura une connotation différente car il trouve son origine dans deux événements :
– un procès retentissant qui met en exergue la position de l’avocat face à son client, face à sa conscience, face au public,
– un procès fait à un de nos Confrères quant à l’exercice de son droit de retrait au titre de la clause de conscience.
Quelle place la médiation a-t-elle dans ceci, me demanderez-vous ?
Je vous répondrai très succinctement en trois temps qui rappellent l’aspect ternaire de la Médiation.
1 – L’avocat et son client :
Nous avons tous prêté serment et nous nous devons d’assister le client qui nous sollicite, quel qu’il soit, quoi qu’il puisse lui être reproché.
Ce serment nous oblige comme n’importe quel médecin l’est au nom de son serment vis-à-vis de son malade. Que penseriez-vous d’un médecin qui refuserait de soigner un migrant, un pauvre… ?
Ce serment nous oblige et nous protège. Comment ?
Le droit tel qu’il est en France nous oblige à respecter notre serment, tout comme le droit…
L’avocat n’est en rien responsable de la décision des juges, pas plus qu’il n’est responsable d’une enquête mal menée ou mal ficelée.
Comment peut-on se permettre de critiquer un avocat qui fait simplement son travail, ce pourquoi il existe : conseiller et défendre son client ?
Ce serment, notre règlement, nous obligent et nous protègent…
2 – L’avocat et sa conscience :
Si nous pouvons choisir de défendre un individu quel que soit le motif pour lequel on le poursuit, notre règlement nous autorise aussi à refuser un client, une aide juridictionnelle ou une désignation d’office, quand notre conscience est heurtée par le cas qui nous est présenté.
Nous avons le droit de ne pas défendre le cas en question, sachant que ce cas sera donné d’office à un de nos Confrères qui devra « faire avec » ce que nous avons refusé.
Cette clause de conscience a l’avantage de permettre de sauvegarder la défense d’une personne que certains d’entre nous refuseraient d’assurer ou assureraient mal car rebuté par le dossier.
C’est ainsi que jeune avocate, j’avais été sollicitée par notre Confrère Jacques PEYRAT pour m’occuper de son cabinet civil. Il me demanda si je pouvais éventuellement plaider certaines affaires pénales… Ce à quoi, je lui répondis : « je ne me sens pas capable de défendre certains cas ». Il me fit cette réponse sans appel : « Tout individu, aussi noir soit-il, a toujours une part de lumière en lui… ». J’ajouterai que tout individu a le droit d’être défendu et de l’être bien.
Alors, je comprends que certains de nos Confrères puissent défendre des cas extrêmes comme le fit en son temps notre Confrère BADINTER. Tout être a droit à un avocat.
Si notre beau pays ne préservait pas les droits de la défense, nous vivrions sans doute sous un régime dictatorial.
3 – L’avocat, le Justiciable et la Justice
Un troisième aspect se révèle alors, celui de l’avocat et du justiciable dans leurs rapports à la justice.
Désuet, notre droit date de… Napoléon. Notre système craque de partout, son habit est trop étroit, ses coutures trop rigides.
Les individus veulent reprendre la main sur leur conflit. C’est « leur affaire personnelle ». Ils veulent la régler autrement, de façon plus humaine, plus « juste », plus équitable. Ils ne supportent plus l’étroitesse et la rigidité de notre vieux système juridique et judiciaire et, surtout, ils n’admettent plus qu’un « tiers » puisse juger de ce qui est bon ou pas pour eux.
Ces remises en cause de notre justice, de notre droit, se manifestent à travers les discrédits portés contre nos institutions, les magistrats, les avocats, les notaires, les huissiers… Ces mouvements de contestation, comme d’autres, sont des manifestations de rejet d’une conception étroite de la Justice.
Aujourd’hui, le rapprochement des populations, des modes de vie permet à l’influence anglo-saxonne de nous gagner. C’est aussi ce pourquoi les modes amiables de règlement des conflits arrivent en force aujourd’hui. Et il ne s’agit pas uniquement des problèmes financiers de notre Justice et des faiblesses de notre budget national. Certes, cela y a une part mais pas aussi importante qu’on voudrait nous le faire croire. Il s’agit d’une nouvelle société qui se fait jour et n’a plus les mêmes repères que nos anciens.
La médiation, entre autres, respectueuse de l’individu, de la personne, de l’être vivant, permet, grâce à ses outils que sont l’écoute active, le respect, la reformulation, le questionnement… en toute confidentialité, aux personnes concernées par la conflit de choisir par elles-mêmes la solution qui leur convient, la plus équitable pour eux.
Si nous voulons une autre justice, remodelons-la. Reconstruisons en rassemblant, sans détruire, ni diviser… Sans doute en partant de l’ancien pour créer le nouveau ?
Certes, s’agissant du terrorisme, de crimes, de viols… les modes amiables n’auront sans doute pas le droit d’interférer. Ces atrocités devront être réglées, en toute sérénité, devant des tribunaux, avec des magistrats, des prisons, une procédure pénale et des avocats libres d’exercer leur métier. Le désir de vengeance, la pression journalistique et publique, ne peuvent influer la Justice qui continuera de passer… même si on a du mal à la comprendre parfois.
Adoptez les modes amiables, formez-vous à la médiation, vous vous rendrez compte qu’elle permet d’éviter bien des drames, qu’elle met de la pommade et des onguents sur les plaies dont elle favorise la cautérisation.